ROMAN
Je gagne toujours à la fin

Tout commença par un mail envoyé par un inconnu.
Encore un délirant, me dis-je, car j'avoue recevoir beaucoup de mails de ceux-là.
Il me proposa un roman, que je daignais recevoir. Et voici les messages qui s'ensuivirent :
Vaquette à Zalic :
Ami-camarade Thierry,
As-tu reçu mon beau roman ?
L'as-tu lu ?
L'as-tu trouvé magnifique comme il le mérite ?
L'as-tu chroniqué ?
Quatre fois "oui" ? Tu es merveilleux.
Zalic à Vaquette :
Cher camarade,
J'ai lu, en partie en diagonale, je l'avoue, ton roman.
Ta personne attire la sympathie, mais je n'ai pas vraiment adhéré à "Je gagne toujours à la fin".
Le livre est trop lisse, trop sur le même ton malgré ses digressions. Il manque la fêlure, la douleur. Le cri est encore trop policé, l'humour potache. Le narrateur s'écoute trop, ou pas assez, il se survole, ou se défend.
L'outrance de Costes va plus loin même s'il se tape la tête contre les murs et que la merde gicle de son cerveau plus que du sang.
Tu as quelque chose et mérites d'exister.
Peut-être devrais-je te voir à un spectacle ?
Vaquette à Zalic :
Ami-camarade Thierry,
Oui ! Réjouis-toi, l'IndispensablE (en personne) répond à ton beau mail, certes avec retard, mais en ce moment, c'est (presque) pire que d'habitude. En plus de la promo de mes dernières à Paris début juin et la sortie (j'espère à temps pour les dates parisiennes) de mon CD avec mes chansons à moi ("L'IndispensablE"), je viens de perdre une semaine à écrire un fort beau texte sobrement intitulé "Mon éditeur est un enculé" commandé par Stéphane Million pour sa revue Bordel (éditée par Flammarion).
Malheureusement, le texte ne paraîtra pas car je n'ai pas accepté les coupes qu'exigeait Beigbeder (co-directeur de la revue) qui a trouvé mon "texte formidable, ça défoule de lire toute la vérité sur l'édition !!"... MAIS "je suis très favorable à ce qu'on publie ce texte SI Vaquette accepte de ne pas attaquer Mérot qui est publié dans la même revue.
Il ne s'agit pas de censure mais de cohérence." - No comment. Mon texte ne paraît donc pas et j'en suis d'autant amer que d'une part j'ai dégagé du temps et de l'énergie qui me manquent pour le reste pour l'écrire mais surtout que j'avais prévenu en long et en large Million en lui disant avant de commencer à l'écrire que j'étais certain d'être censuré (Je lui ai dit que j'allais cracher sur Beigbeder, Flammarion et Mérot) et que je n'acceptais de travailler que s'il me jurait que ce ne serait pas le cas... - ah ! ces gens sont si odieux, lâches et hypocrites qu'on les croirait sortis d'un roman de Vaquette.
Mais passons et revenons à la réponse à ton mail.
Je te répondrai dans le même esprit que toi, je crois avec la même sincérité. Ça ne me fait pas du tout plaisir ce que tu me dis et je crois que tu as lu un peu vite mon roman. En tout cas, ce que je n'arrive pas à comprendre c'est que, m'étant tapé par conscience professionnelle bon nombre de romans de la rentrée littéraire, mon roman n'apparaisse pas à tous pour ce qu'il est (qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, qu'on ait ou des non des réserves à son sujet), très supérieur j'allais dire, disons au moins objectivement et il me semble de façon incontestable exceptionnel (j'emploie le mot dans son sens strict, c'est-à-dire qu'il ne ressemble à rien de ce que publient les autres), cela seul devrait déjà mériter qu'on en parle et qu'on le respecte.
Ajoute à cela une forme ambitieuse ("novatrice" et moderne) tout en s'offrant le luxe d'être rigolote (à l'opposé du sérieux académique à la française...) et surtout, des "choses à dire", beaucoup, en prise avec la réalité (autre que celle des "écrivains" du quartier latin ou des boîtes de nuit du 8e...), ce qui est devenu rarissime tant la "littérature" française est vide de tout sens à tel point que Houellebecq passe pour un génie simplement parce qu'il "dit des choses", ce qui devrait être normal mais qui est effectivement exceptionnel.

Eh merde ! La littérature aujourd'hui, c'est Beigbeder. Franchement, à TOUS points de vue, tu ne trouves pas mon roman supérieur ?
Quant à me dire que l'outrance de Costes va plus loin, certes, et alors ? c'est son "créneau", j'ai en revanche des tas de choses sur laquelle je lui suis "supérieur". Mais ne comprends pas mal mes propos, je suis fan à l'égal du travail de Costes et du mien. Un truc sur lequel nous sommes absolument d'accord lui et moi (entre plein d'autres choses) c'est qu'on nous met dans la même boîte uniquement parce que nos collègues ne font pas leur travail et que nous sommes conséquemment bien seul à essayer d'être porteur d'un discours à la fois contestataire et ambitieux formellement (ce que devrait et a toujours été simplement "l'art".
Si les autres avaient quelque chose à dire et de l'ambition dans la manière de le dire, nous serions lui et moi à l'opposé de l'échiquier : lui, sur le premier jet, la rage, le sensible, le prolifique, moi, sur un travail plus lent, plus synthétique, plus intellectuel, plus en distance aussi : lui, crie, moi, j'explique (pour aller vite, mais je pense qu'il adhérerait absolument à ce rapide résumé, et même si moi des fois je crie et que des fois lui explique...
Cela dit, comme toi, je "respecte" ta réponse, d'abord parce qu'elle est malgré tout positive même si tu n'as pas adoré mon travail (ce qui est insupportable pour mon ego), plus sérieusement même si peut-être tu n'as pas vu tout son intérêt (en particulier le jeu dans le jeu dans le jeu sur justement la fêlure, la douleur, le cri (cf : la fin)... mais peut-être n'as-tu pas lu la deuxième partie quand justement le roman bascule du rigolo vers le noir... Quand tu dis : "Le narrateur s'écoute trop, ou pas assez, il se survole, ou se défend." c'est faux, c'est au contraire derrière la distance un portrait autrement plus sincère et profond que tout ce qui se fait en autofiction française actuelle. Bon, deuxième raison, tu as eu l'absolue honnêteté de me dire tes impressions quand plein de gens de nos beaux métiers m'auraient dit "Génial mon chéri, on s'appelle..."
Donc, "maximum respect" comme on dit chez les jeunes.
Peut-être devrais-je te voir à un spectacle ? me demandes-tu.
OUI ! OUI ! ! En particulier celui que je finis de tourner en juin (cf : en dessous). C'est un très bon complément du roman (en particulier, parce que sur scène, le monsieur est incarné donc d'autant moins contestable). Si tu peux passer, j'espère te faire changer d'avis, en tous cas, après ça, je te "donnerai le droit" de parler de mon travail en connaissance de cause. N'hésite pas, ça me fera plaisir (et viens me voir après pour me dire).
L'IndispensablE
Zalic à Vaquette :
Dans ta réponse, je crois me reconnaître quand je venais de faire paraître mon roman "Slip".
Serais-je devenu aussi con que ceux qui me répondaient alors ?
On souffre que l'autre ne soit pas assez perspicace pour voir sur quel fil de rasoir on marche.
Demande-t-on trop à l'autre ?
En ne cédant pas à la totale facilité, on demande beaucoup, mais on est aussi, sans doute, responsable d'avancer masqué en espérant que le lecteur voit au-delà.
Cela demande des réflexions...
Garde ton peps, sors ton couteau à tour de bras, tant que tu peux le faire, tu es vivant.
Longue vie.
Sans doute à la semaine prochaine après le spectacle,
Thierry Zalic
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Ainsi ai-je vu le spectacle et ai relu le livre.
Qu'en dire ? Je m'en voudrais de le blesser, et m'en voudrais tout autant de ne pas être honnête. Que choisir entre le blesser, lui, ou moi-même. Courageusement je prends parti pour faire du mal à l'autre.
Et puis non, je censure.
J'aimerais XXXXXX le roman de Vaquette, pour le XXXXX de scène qui m'a séduit, pour XXXXX hors du commun.
Mais XXXXXX littérature adolescente XXXXX maturité stylistique du spectacle
Bernanos, Chateaubriand, Bloy XXXXX a raison. Il remercie XXXXX terreau XXXXX poussé. Il XXXXXX feuilletoniste à Paris Inter XXXXX Pierre Dac
J'ai censuré, je n'ai rien dit.
Malgré toutes mes réserves que vous n'avez pas lues, n'oublions pas que Vaquette a Le talent, qu'il suppléerait parfaitement Ardisson ou Cauet à la lucarne du PAF, que son vitriol repeinturlurait le plastique qui contient l'hostie cathodique.
Vaquette peut tout. Il réussira à écrire le livre que je rêve de lire. Vaquette est un Dieu en devenir, place problématique sur terre pour celui qui refuse d'être un usurpateur.
Vaquette va-t-il usurper ? Il ne peut en être autrement car ceux qui l'aiment le détruiront. Mais Vaquette est grand. Il sera un Sphinx.
À lire pour une première approche du personnage :
Je gagne toujours à la fin
Roman 364 pages
ISBN : 2-8426-060-5
Éditeur : Au diable vauvert, diffusé par Actes Sud
20 euros
Lien site Vaquette : http://www.vaquette.org/