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Cordelier
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VIE = ROMAN

Jeanne CORDELIER

Cordelier
Au hasard d'une nuit voyageuse sur le web, j'ai rencontré le site de Jeanne Cordelier. Ma jeunesse m'est revenue. Quand j'avais une vingtaine d'années, j'étais féministe. Un homme féministe! Quelle imposture! Mais, dans le contexte des années 80, la pression féministe était telle que l'on pouvait s'identifier à l'agresseur, pour reprendre un terme psychologique. Je lisais Annie Leclerc, Luce Irigaray, Lemoine-Luccioni, Cixoux…
Un des grands chocs littéraires fut "La dérobade" de Jeanne Cordelier, qui relatait son parcours de cinq années de prostitution, "un long tunnel sans soleil, une révolte précieuse qui est parfois le seul signe de vie au fond de l'horreur" pour reprendre les mots de Benoite Groult. Les phrases tombaient justes pour une cause que beaucoup disent injuste, des mots comme exutoires pour sortir d'un enfer.
Le livre eut un succès énorme, ainsi que le film qui s'ensuivit.

J'envoyais un e-mail à Jeanne pour lui proposer d'écrire un texte pour ce numéro de TZP on line, Luxe et Scatologie.
Je reçus peu après cette réponse:

Cher Thierry Zalic,

De se savoir appréciée ne fait jamais de mal. Votre message était donc le bienvenu, d'autant que j'en ai pris connaissance en rentrant d'un orphelinat ou les 145 enfants présents du plus petit, 2 semaines au plus grand, 13 ans, étaient tous séropositifs. Hier était le jour de l'Épiphanie en Éthiopie. Ou encore le jour des Rois.
Merci de m'inviter à écrire dans votre revue. Je le ferai assurément.

Que faisait-elle en Ethiopie? Sa réponse donnait raison à la sympathie, voire à la tendresse que j'éprouvais pour elle. Qu'était-elle devenue depuis le temps de La dérobade?
Je reçus son texte quelques temps après. Je le publie après ce préambule. Je le trouve décevant. Peut-on dire à quelqu'un qui écrit que l'on n'apprécie pas trop quelques une de ses lignes sans se couper de lui? J'aimerais de tout cœur le croire.
Par ce que je sais d'elle, par nos deux ou trois mots échangés, Jeanne m'inspire de la tendresse, l'envie de la cajoler, de la protéger… sentiment fantasmatique car elle doit être en fait très forte.
Elle dégage de la franchise, du respect, tient ses promesses… c'est rare.
Son texte parle d'une grosse bite. Et après?
Ainsi lui posais-je encore quelques questions:

Merci pour le texte.

Je le ferai paraître, avec lien sur votre site.
Pour être en adéquation avec le thème du prochain numéro, peut-être mettrais-je en chapô: "une grosse queue, est-ce du luxe, est-ce de la scatologie?"
Merci m'envoyer (par mail), si possible, une photo de vous et une bio.

Questions relatives à votre texte. (Vous me répondez si vous voulez).
1. Que signifie-t-il?
2. Comment faut-il le comprendre, dans votre vie, dans votre "oeuvre", dans vos préoccupations?
3. Quelle plaisir existe-t-il, pour une femme, à se mettre dans la peau d'un homme?
(personnellement je fais souvent l'inverse en écrivant)
autres questions:
4. Qu'écrivez-vous actuellement?
5. Êtes-vous en voyage ou en exil?
6. Qu'est-ce qui motive votre vie actuellement?
7. Désirez-vous que je parle de quelque chose de précis par rapport à vous?

Amicalement
Thierry Zalic

Voici ce qu'elle me répondit:

1. Que signifie mon texte ? C’est juste les angoisses d’un mec qui aime la baise et qui voit son plaisir se tourner en torture. Comme si le fait de jouir de sa sexualité impliquerait toujours la punition.

2. Dressée contre les interdits, les tabous et l’hypocrisie qui nous environnent, notamment au sujet de la sexualité, pour moi il va de soi de l’inclure dans un recueil de nouvelles intitulé " Descendre à Bonne Nouvelle ".

3. Le plaisir que me procure de me mettre dans la peau d’un homme est pour moi en fait assez secondaire ; quand j’écris, c’est l’écriture d’abord. Par contre, ça change de monde. C’est d’autres gestes, d’autres préoccupations. C’est aussi une autre manière d’éclairer le monde des femmes. J’ai reçu à ce sujet et à plusieurs reprises des éloges d’écrivains masculins.

4. J’écris actuellement " L’Instruit ", un roman dont le héros est un homme. Et simultanément " Les aventures de H sans manches ", un autre homme. Ce dernier à paraître sous forme de feuilleton sur mon site le 1er avril.

5. Ni en voyage, ni en exil, je réside depuis 15 mois à Addis Abeba où mon mari travail en tant que conseiller financier auprès du gouvernement éthiopien, en vue d’une réforme de la santé publique.

6. Ce qui motive ma vie actuellement, c’est que je n’ai pas envie de la quitter !

7. A propos de votre dernière question, vous faites comme ça vous chante.

Bien à vous,
JC

Voici sa bio:

"Jeanne Cordelier; née à Paris en 1944, a débuté en littérature avec son roman La Dérobade, parut en 1976 chez Hachette littérature. En 1980, après le succès tant littéraire que commercial de ce premier livre, l'auteur quitte le milieu parisien de l'édition et son pays pour s'installer en Suède où elle a vécu 17 ans. 17 ans ponctués de voyages à travers le monde où elle a accompagné son mari, conseiller de la coopération internationale du développement. De leur union est né un fils Émile, lequel a eu 20 ans en l'an 2000. Diplômée d'un certificat d'étude primaire, Jeanne Cordelier est une authentique autodidacte!

Bourlingueuse, Jeanne Cordelier a aussi vécu en Belgique, Italie, États-Unis, Canada, Vietnam et Éthiopie. Elle a séjourné dans 13 pays d'Europe, sept pays d'Asie et six pays d'Afrique. Mais là où elle préfère être, c'est au pays des mots. Un pays qui tout comme la vie exige d'être remis chaque jour sur le métier. Juste histoire d'oublier que sous le siège, quel qu'il soit, y a pas de gilet de sauvetage.

De 1997 à 1999 l'auteur a vécu au Vietnam, ce qui lui a inspiré son plus récent texte, un roman intitulé Du riz aux larmes. Un ami vietnamien peintre a fait son portrait, qu'on peut voir dans sa totalité sous Portrait par Lê Quang Hà. Jeanne a passé les onze mois qui viennent de s'écouler en Éthiopie, ce qui a déjà influencé Les mots du moi. Il serait étonnant que ce pays où Rimbaud la précéda, ne lui inspire pas d'avantage."

Parcours étonnant de ce "petit bout de femme", trente-deux ans en 76, quarante-huit kilos, un mêtre cinquante-quatre, yeux noisette" pour reprendre une fiche presque policière. Que recouvre ce C.V. si lisse? Aucun rappel direct à sa jeunesse difficile; pourtant, elle me fait parvenir un texte érotique qui rappelle ce temps dans l'inconscient des lecteurs. Elle ne cache pas, mais ne rappelle pas non plus. Elle est là, avec aujourd'hui et hier, l'ancienne et aussi une autre.
À la suite de nos échanges, je renonçais à mon idée de chapô grossier "une grosse queue, est-ce du luxe, est-ce de la scatologie?" et me proposais d'indiquer simplement, Jeanne Cordelier, vie = roman.
En cliquant l'image de présentation, où la boule qui suit le texte, vous pourrez joindre son site.
Jeanne, je t'embrasse très fort, si tu fais un saut à Paris, n'hésite pas à me faire signe.
CROISSANCE


Jeanne Cordelier

Je me réveille, jusque là rien d’anormal. C’est le contraire qui l’aurait été. Je jette un coup d’œil à la copine draguée la veille et puis je vais dans la salle de bain et là, comme chaque matin avant de me raser, je m’examine dans le miroir au-dessus du lavabo. Toujours rien d’anormal.
Je me penche sur mon sexe et là ça merde, il s’est encore allongé ! À mi-cuisse il m’arrive maintenant. La copine qui dort, quand je me suis déloqué, elle s’est écriée en battant des mains : " Le cheval à Penou à côté, il a qu’à aller se rhabiller ! ".

Anne Van Der Linden
Je lui ai pas demandé d’où elle venait, mais elle arrive sûrement de la campagne. Qu’est-ce que je vais devenir, moi, si ça continue ? J’en dors plus. Le seul truc de bien dans tout ça, c’est que plus il s’allonge, moins j’éjacule vite. Normal, il faut plus longtemps au sperme pour arriver au bout. N’empêche que bientôt je vais avoir des problèmes d’habillement. Déjà que je suis passé du slip kangourou au boxer… Au moins il n’est pas à l’étroit là-dedans. Il se balade. Seule chose, il faut que je fasse attention à ne pas le coincer. Ça fait dire aux collègues de bureau, qui ont observé les précautions que je prenais avant de m’asseoir, que je filais sûrement de la bague. Sur le coup j’ai pas compris ce qu’ils voulaient dire. J’ai aucune accointance dans la bijouterie. Il a fallu qu’il y en ai un, comme j’étais en train de me laver les mains, qui me mette le manche de la balayette entre les fesses en disant : " Si tu refiles de la bague, je suis preneur. "

Aussi grosse qu'un cheval!

Si elle continue de s’allonger, bientôt les femmes ne voudront plus de moi. Parce qu’on peut dire qu’elles les aiment grosses, y a des limites. En plus la mienne n’est pas spécialement grosse. Je dirais plutôt qu’elle est de taille moyenne. La copine hier avait bu, ajouter à ça l’excitation, son enfance passée à la ferme. Rien d’étonnant dès lors qu’elle l’ait vue comme celle d’un cheval. Mais si je lui mettais sous le nez maintenant, je suis sûr qu’elle réagirait autrement. Non, sans blague, plus je la regarde et plus je suis convaincu que si on en enlevait vingt centimètres, elle serait correcte. Une queue normale.
Une queue d’expert comptable sans histoire. Sauf de cul, c’est vrai que je suis porté. Mais c’est pas une raison. Doit bien exister une solution. Le nœud, j’y ai pensé, mais j’en ai déjà un. Puis ça se verrait. Me la couper comme Depardieu dans La Dernière Femme, ça jamais ! J’y suis trop attaché. Me reste plus que l’opération. Et si ça rate, que je me retrouve avec une petite… ou même avec une boutonnière ! Le bistouri dévie et moi avec ! L’angoisse. Ah, tiens ! C’est pas que ça me dise, mais si je la mettais au pain sec et à l’eau pour voir… Bon, v’la la copine qui se réveille, on commencera la diète demain.

accès au site de Jeanne CordelierCordelier

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