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illustration: TZP studio
Je suis né du mensonge de ma mère. Était-elle belle à damner un ange? Je ne sais pas. Les langues vipérines du village susurraient qu'elle suintait le sexe, que sa jolie bouche aurait pu être la création d'un diable et ses jolies jambes faire oublier des pieds fourchus. Comment suis-je né ? De qui venait la semence qui a arrondi son ventre ? Pour rien au monde, elle ne voulait reconnaître la vérité. Alors j'ai remis cent fois la question sur le tapis, l'ai battu et rebattu pour que la réponse sorte en même temps que la poussière. À force, elle a esquissé l'aveu de son crime qui était encore plus celui de ses parents.
Je la hais même si je lui dois tout. Elle a fait de moi un bâtard. Pourquoi ? Pour quelques shekels ? Pour un peu plus d’olives et d’huiles ? Pour la concupiscence qui pourrit tout ?
-Que s'est-il passé, mère, que s'est-il passé ?
-Que veux-tu savoir ? Ton père est bien Joseph !
-Je sais que c'est mon père, mais avec qui m'as-tu enfanté ?
Soupir. Son souffle chaud ajoutait à la chaleur de l'air.
-Comment savoir. Avec lui ou avec Dieu.
Presque bébé, une fois je l'ai giflée. Ses lèvres n'ont rien proféré, ses yeux se sont plus ouverts, sa bouche aussi, à croire qu'une caravane de chameaux allaient y entrer ou en sortir.
Joseph m'a battu à mort, mais les bébés ont un grand instinct de survie, surtout les mauvais, dit-on.
Je l'ai tannée, je l'ai tannée… il fallait qu'elle avoue, je savais pertinemment qu'elle n'avait pas fait l'amour avec Joseph pour m’enfanter.
Pour mes frères et sœurs, ça oui, ils avaient œuvré de leurs chairs, avec des halètements mal cachés car Marie était une jouisseuse, les ragots colportaient tous ses cris. Hypocrite de couple baiseur ! Ils forniquaient, à peine cachés par une cloison de peaux de bêtes. Tous les enfants innocents dormaient à côté sur leurs paillasses, et eux deux gémissaient, allumeurs habités de lampions ou de branches de chandeliers lors de la sainte fête de Hanoukka !

Moi seul gardait obstinément toute ma vigilance. J’étais le plus âgé des enfants, le témoin, l'Adam de leur couvée qui assista à la conception de tous les autres. J'eus droit aux sons, oppressés ou éclatants, et même aux images torrides quand un coude levait la séparation de peau. Et va comme je te pousse, par le con, l'anus, la bouche, "au nom du Père, du Fils et du Saint-esprit" grommelait Joseph en passant par les trois trous sans que je comprenne le sens de ses mots. Je découvrais toutes les portes d'entrée de la femme que l'homme visite après avoir outrepassé l'antichambre de sa résistance.
Joseph, que sa propre fureur excitait, corrigeait encore et encore sa mauvaise femme de tous côtés. Il l’éventrait comme une brebis pour se venger d’avoir été trompé, et le signe de sa tromperie c’était moi.
Mon père, contre son gré, m’a toujours dévisagé d’un air mauvais. J’étais l’épieu planté dans sa couille, beau comme un Romain et vulgaire comme un mendiant bâtard. Il m’a haï du désir qu’il portait à Marie. C’est contre moi qu’il l’a pénétrée si souvent.
Toute ma vie, le son de leurs gémissements bruissera dans mes oreilles, l'odeur empêtrera mes narines car le sexe paternel entrait tant et tant dans le beurre de sa femme qu'il le transformait en graisse rance, il insistait, barattant jusqu’à cailler son lait, et l'amour finissait par puer.
Marie, ma mère, je te déteste. Tu reconnais avoir ouvert les cuisses pour enfanter tous tes autres enfants, comment faire autrement puisque à côté de vous j’étais le chandelier qui éclairait la scène, mais pourquoi nies-tu que pour moi un homme ait pénétré ton fourreau, et pourquoi Joseph ne te dément-il pas ?
Marie, ma mère, n’était que fiancée quand elle se trouva enceinte à douze ans. Bien que ce fût contraire à la religion, beaucoup de couples passaient à l'acte de chair avant la cérémonie. Pour elle, ce fut autrement. À force d'insister, elle m’avoua que ses parents avaient besoin d’argent quand un collecteur romain vint leur réclamer des impôts.
-On n’a rien, gémit le père.
-On est pauvre, surenchérit sa femme.
-Radins de juifs ! Quand l’empereur Auguste réclame sa part, on ne pleure pas, on se saigne les veines ! Et Hérode veut sa part, et je veux la mienne aussi, alors tu paies ou tu péris.
-Quand on n’a rien, que fait-on ?
-Ne rien avoir est un crime que l'on paie de son sang ! Et puis, on possède toujours quelque chose. Comment s’appelle ta fille qui se cache au fond de la pièce ?
-Marie. Mais elle n’a que douze ans !
-Douze ans, c’est l’âge de se marier.
-Elle est fiancée, mais pas encore pubère.
-Elle a déjà des seins biens formés. C’est une question de jours, d’heures, peut-être de minutes. Tu me la donnes, et tu ne me dois rien. Je me débrouillerai avec Hérode et Auguste. Un coup vite fait et ta dette est balayée.
-C’est impossible !
-Je veux seulement la regarder. Qu'elle se déshabille ! Je la lècherai des yeux et rien d’autre.
-Se dévoiler est un péché !
-Péché véniel. Un regard, et ta dette est balayée.
Les parents de celle qui allait être ma mère quittèrent la pièce. Ou plutôt seul son père sortit. Marie m’avoua que sa mère l’avait lavée, l’avait parfumée comme l’animal que l’on immole pour Dieu à la Pâque, l’avait déshabillée et allongée sur une paillasse, à peine cachée par un très léger voile. Puis elle me laissa seule.
-Ce ne sera que l’affaire d’un instant, dit le Romain.
Et il la regarda.
-Tu ne vas pas me faire croire qu’il n’a fait que te regarder ? ai-je insisté.
-Je te jure que si. Il m’a uniquement regardée. S’il m’a caressé ce n’est qu’avec ses cils, s’il m’a embrassée c’est à peine de son souffle… Il a fait chanter mes parents pour uniquement me regarder et ceux-ci ont conclu : " S’il ne pose que le regard sur son corps ce n'est pas un crime, il suffit qu'elle ait les cheveux cachés selon la coutume ", et le Romain m’a seulement couvert de son ombre, c’est tout.
-Tu m’as dit un jour que tu t’étais endormie, ou évanouie.
-Oui, mais il ne s’est rien passé.
-En effet, il ne s’est rien passé d’autre que moi.
Hypocrite de mère ! J'appris plus tard que les parents de Joseph lui avaient conseillé de la répudier sans bruit, mais il la connaissait depuis l’âge de cinq ans et l’avait dans la peau, ça aurait été comme casser son bol chéri !
Il la garderait et lui ferait payer ses péchés, elle serait l’exutoire honni et adoré. Qu’importait l’avorton, il avait trop envie de l’avoir au bout de son pieu et de la lever !
Bouleversé et troublé, le pantalon trop plein, il fit le magnanime, le bon… Ce n’est pas le bâtard qui boirait à ses tétées, seulement lui ! Est-ce pour ça que moi, le Jésus qu’elle portait, ne fut jamais très grand ni très fort ?