autobiographie imaginaire
Moi Je, Jésus Christ
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Extrait 1

La Crucifixion

La ville était à peine moins grouillante que la veille. En ce samedi, des Parthes supplémentaires, des Phéniciens, des Égyptiens et des Mésopotamiens, remplaçaient les juifs absents. La plupart se dirigeaient vers le Temple soit pour s'y recueillir, soit pour y prendre du bon temps. Certains suivaient nos pas vers le Golgotha, les crucifixions faisant partie des bons souvenirs des touristes, fût-ce pour s'en offusquer.(...)

Extrait 2

Rencontre de Dieu dans le con de Madeleine

Madeleine, la rescapée de la fête en l'honneur de Salomon, me suivit quand je quittai Jérusalem. Je ne pouvais plus m'en défaire. Toujours derrière-moi, à deux cents ou trois cents mètres, parfois moins quand la foule se densifiait.
-Je n'ai pas besoin de compagne ! lui criai-je.
-Tu es le seul qui ne me rejette pas, laisse-moi être seulement ton ombre, épargne-moi.
-Non. L'ombre toujours vous dévore. N'as-tu pas vu que j'ai trahi mon ami ? Ce n'est pas sur toi qu'est désormais la honte, mais sur moi. Lâche mes pas !
Elle ne m'écoutait pas. La femme jamais n'écoute.(...)

Extrait 3

Vierge ?

Je suis né du mensonge de ma mère. Était-elle belle à damner un ange? Je ne sais pas. Les langues vipérines du village susurraient qu'elle suintait le sexe, que sa jolie bouche aurait pu être la création d'un diable et ses jolies jambes faire oublier des pieds fourchus. Comment suis-je né ? De qui venait la semence qui a arrondi son ventre ? Pour rien au monde, elle ne voulait reconnaître la vérité. Alors j'ai remis cent fois la question sur le tapis, l'ai battu et rebattu pour que la réponse sorte en même temps que la poussière. À force, elle a esquissé l'aveu de son crime qui était encore plus celui de ses parents.
Je la hais même si je lui dois tout. Elle a fait de moi un bâtard. Pourquoi ? Pour quelques shekels ? Pour un peu plus d’olives et d’huiles ? Pour la concupiscence qui pourrit tout ? (...)

Extrait 4

Salomé

C'est Pierre qui m'apprit la mort de Jean-Baptiste.
-Tu te rappelles comment il était, Emmanuel. À force de toujours insulter Hérode Antipas et Hérodiade, ça devait bien finir comme ça.
-Pourtant, on disait cet Hérode lâche, couard d'actions.
-Oui. Ce n'est pas tant Hérode qui désirait la mort de Jean, mais sa femme Hérodiade, qu'il avait épousé en violation de la loi juive, car elle était fille de son demi-frère. Jean-Baptiste ne cessait pas de dénoncer cette violation jusqu'à ce qu'Antipas finisse par le faire arrêter et l'engeôle dans la forteresse de Machéronte. Il ne cherchait pas tant à le tuer qu'à faire taire sa femme qui le traitait de lâche en permanence, de faible, de bande mou. (...)

Extrait 5

La Cène

On était réuni, quinze autour d'une table, pour ce que je savais être notre dernier repas.
-N'es-tu pas bien, là, Emmanuel, autour de tes douze disciples ?
-Non.
-Il a dit oui !
Je ne sais qui me baisait les mains. Pas une femme autour de moi. Pourquoi exclure Madeleine, la seule pure. Avancer… Se donner…
-Vous m'avez suivi, aimé. Maintenant, je m'offre à vous. Ce que j'offre de moi est le pain de la vie éternelle quand celui qui sort du four n'est qu'une nourriture périssable. Je suis le pain de vie. Quand vous avalerez celui que je romps, c'est moi que vous avalerez, mon esprit posé en cette chair.
Je coupai des petits morceaux de pain levé, interdit pendant la Pâque où l'on devait le manger sans levain.
-Ce que vous mangez n'est pas du pain, mais ma chair.
Je leur servis du vin.
-Ce que vous buvez n'est pas du vin, mais mon sang. (...)

Extrait 6

Les hommes-chiens.

- Je le prends à dix contre un !
-Moi seulement à cinq !
-Là, prends le rachitique prêt pour le combat suivant, il est à trente contre un. Ce ne sont pas les plus gros qui gagnent. Il faut bien regarder les dents. Ça vaut le coup. Allez parie ! Pour un shekel, tu peux en gagner trente !
-Mais je peux aussi le perdre !
-Pauvre con ! Je ne vais pas te donner trente shekels contre rien !
Tartarouchos et Michée m'avaient entraîné dans une Jérusalem inconnue nichée au milieu d'un dédale.
-Nous allons te montrer, Jésus, que les pauvres ne valent pas mieux que les riches. La même haine grouille, les mêmes ressentiments encore attisés par les poux et les croûtes, plus l'insatiable envie de richesses qu'ils n'ont pas. Le pire n'est jamais certain, il est tout au plus probable. Il y a toujours pire. Demain, il y aura pire.
(...)