Le Corset Magique

par

Hélène GIRARD

extrait de "Le cabinet des fantasmes"

à paraître aux Editions Blanche

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Un pantalon de plastique transparent
à porter sans rien dessous

Catherine se promenait dans les rues du marché de Camden avec son ami Denis. Les boutiques colorées de fringues et de chaussures à la mode se succédaient. Ils s’arrêtèrent pour manger une pomme de terre chaude accompagnée de flageolets à la sauce tomate et de coleslaw dans une des petites échoppes où l’on pouvait ainsi se réchauffer le ventre, puis ils repartirent à la recherche de leurs tenues de soirée. Ils étaient invités à l’une de ces nuits fétichistes bien anglaises où se mêlent toujours érotisme et humour. Une boutique attira leur attention. Denis, qui était assez exhibitionniste, y trouva un pantalon de plastique transparent qu’il pourrait porter sans rien dessous. Catherine aperçut un corset de satin noir. Depuis longtemps elle rêvait d’en porter un au moins une fois pour essayer, mais elle n’osa pas avouer son fantasme à Denis et se contenta d’une classique petite robe de vinyle rouge et moulante.

- Qu’est-ce qu’on dit ? demande la femme.

La soirée avait lieu dans une ancienne prison où étaient exposés d’antiques instruments de torture, véritables pièces de musée. Comme d’habitude dans ce genre de soirées à Londres, certaines pratiques sadomasochistes étaient autorisées, mais les rapports sexuels directs ne l’étaient pas. Il régnait pourtant là une atmosphère de liberté, en grande partie due à l’excentricité des tenues des participants. Un homme et une femme étaient vêtus d’uniformes de collégiens. Catherine, dans ses fantasmes, se voyait parfois dans une école où de sévères maîtresses la dominaient et la punissaient pour son indiscipline. L’homme, à quatre pattes, se prosternait aux pieds de la femme qui lui assénait de petits coups de badines sur sa culotte courte. La maîtresse était belle, et Catherine n’aurait peut-être pas refusé la place de l’homme, mais leurs uniformes austères la rebutaient un peu. Elle eut préféré que la femme portât un corset comme celui qu’elle avait vu à Camden. Denis s’était assis. Elle alla chercher deux bières au bar. Sur le chemin du retour, une femme lui barre le passage à l’aide de sa cravache. Elle est jolie, brune, et ressemble étrangement à l’une de ces speakerines que Catherine voyait dans son enfance sur le petit écran et qui la séduisait beaucoup par son regard malicieux. La femme a ce même regard un peu mouillé et son geste lui donne l’autorité nécessaire pour faire frissonner Catherine. Instant magique.
- Qu’est-ce qu’on dit ? demande la femme.
- Puis-je passer... maîtresse ? prononce faiblement Catherine, grisée par le mot. Ses canettes à la main, elle incarne à coup sûr le prototype de la soubrette docile. La femme, qui de surcroît porte un corset noir du même style que celui que Catherine a vu à Camden, remonte la cravache tel un passage à niveau pour la laisser passer.
- Je reviens tout de suite, murmure Catherine dans son anglais approximatif.
Elle alla porter sa bière à Denis, lui demanda de patienter quelques instants puis retourna vers la femme qu’elle venait de rencontrer.
- Tu es Française ?
- Oui, de Paris. Je suis à Londres pour une semaine. Vous avez un très joli corset... maîtresse.
- Tu en as déjà porté ?
- Non, jamais.
- Si tu viens me voir dans mon donjon, je t’en ferai essayer. Mais il faudra le mériter. Par exemple, être une bonne soubrette ou une élève de la petite classe que je réunis une fois par semaine. Quel rôle préfères - tu, celui de l’élève ou de la soubrette ?
- Celui de l’élève.
- Alors tiens, voici mes coordonnées. Nous nous reverrons dans deux jours. Appelle - moi demain.
- Merci maîtresse.

Un travesti vint lui caresser les fesses

Catherine n’en revenait pas. Tout c’était passé si vite. Quand Denis passa une main sous sa robe, elle était dans un état d’excitation extrême. Ils dansèrent encore un moment. Sans faire exprès, Denis brûla l’épaule d’une jeune fille avec sa cigarette. “Oh ! Thank you.”, répondit - elle avec un humour de circonstances. Denis, lui, brûlait d’une autre envie, celle de baiser Catherine dans un recoin d’une des différentes salles auxquelles on avait accès. Il glissa de nouveau ses mains sous sa robe et l’entraîna au fond d’une petite pièce où il la pénétra, ayant sorti son sexe de son pantalon transparent. Un travesti vint lui caresser les fesses pendant l’action. Catherine était encore sous le coup de ce qu’elle venait de vivre avec la jeune maîtresse, et l’interdit latent qui pesait - ils pouvaient être interrompus à tout moment par l’un des gardiens - augmentait sa hâte de jouir.
Le surlendemain, maîtresse Emma la recevait dans son donjon où Denis avait été autorisé à l’accompagner. Dans une petite salle étaient disposés trois bancs d’école, un bureau, un tableau noir et du matériel spécialisé pour séances sadomasochistes. Serge s’était assis un peu à l’écart, sur une chaise, et cette position n’était pas pour lui déplaire car il était autant voyeur qu’exhibitionniste. Maîtresse Emma fit entrer trois jeunes filles nues et leur ordonna ainsi qu’à Catherine de s’asseoir sur les bancs. Elles obéirent, impatientes de connaître la suite des événements.
- Mesdemoiselles, vous savez que dans notre école le port du corset est obligatoire. Vous aurez chacune le vôtre et il sera d’autant plus serré que vous serez désobéissantes.
À ce moment entre une matrone au port altier et autoritaire, de toute évidence l’assistante de maîtresse Emma. Elle tient dans ses mains une boîte de carton qu’elle dépose sur le bureau de maîtresse Emma.
- Merci, Madame Smith. Mesdemoiselles, voici vos corsets. Violette, viens ici.
La jeune femme s’avança, tête baissée, une main tentant de dissimuler son sexe entièrement épilé tandis que l’autre cachait sa poitrine. Maîtresse Emma lui cravacha les mains pour qu’elle dévoile son corps mais elles revenaient machinalement à la même place.
- Va au tableau et écris : “je suis une petite salope qui obéit à Maîtresse Emma et à Madame Smith”.
La fille s’exécute, soumise, puis maîtresse Emma lui place un corset de velours rouge autour de la taille que Madame Smith serre de sa poigne de fer. La fille retourne s’asseoir sur le banc puis c’est au tour des deux autres. L’une a droit à un corset de cuir noir clouté, l’autre à un corset de latex bleu à brides. Elles se plaignent.
- Il est trop serré, maîtresse.
- Trop serré, vraiment ? Venez par ici et posez les mains sur le bureau.
Maîtresse Emma leur fait tendre les fesses et leur donne chacune dix coup de cravaches. Denis sent son sexe se raidir dans son pantalon.
- Et maintenant, à Catherine. Je t’ai réservé le plus beau corset. Une authentique pièce du XIXème siècle, entièrement brodée à la main. Attention, c’est le plus beau, mais aussi le plus contraignant. En seras - tu digne ?
À la vue de ce magnifique corset, la fille en rouge commence à caresser son sexe glabre.
- T’ai-je permis de te masturber ?
- Non, maîtresse.

Emma lui pose des pinces sur les seins et les lèvres du sexe

Maîtresse Emma saisit la fille par la nuque et l’emmène au fond de la salle. Pendu au plafond par de lourdes chaînes, un carcan de bois dans lequel ont été pratiqués trois trous, deux pour les mains, un pour la tête. La fille y est enserrée, immobilisée.
- Denis, vous pouvez user de cette petite si le cœur vous en dit.
Denis ne se fait pas prier. Il baise la fille tout en tirant sur les liens de son corset. Catherine hésite entre jalousie et excitation et maîtresse Emma remarque son trouble.
- Toi, tu ne perds rien pour attendre.
Tel un torero et sa cape, maîtresse Emma brandit le corset devant Catherine. Il est long, plus long que celui des autres filles et doit englober les hanches. De couleur chair et brodé ton sur ton, il est muni de huit épaisses jarretelles qui servent à maintenir les bas bien tendus sur la peau. Catherine mouille rien qu’à sa vue et à la perspective de le porter. Elle s’approche de sa maîtresse. Parfois, on n’ose d’autant moins réaliser un fantasme qu’il est fort. C’était le cas de Catherine.
- Je n’oserai jamais porter ça.
- Tu t’y soumettras.
- Pitié, maîtresse.
- Occupez - vous d’elle, Madame Smith.
Madame Smith, l’oeil pervers, tapote les fesses de Catherine à l’aide de sa cravache. Cette femme, de toute évidence, prenait plaisir à décontenancer les jeunes filles, à les voir rougir et à les mener au-delà de leurs limites, là où se terrent les plaisirs les plus subtils et ambigus. Un peu brusquement, elle fait avancer Catherine jusqu’à une chaîne qui tombe du plafond, lui met deux menottes aux poignets avant même qu’elle n’ait le temps de protester et l’attache bras en l’air à la chaîne. Elle tire dessus. Catherine peut à peine se tenir sur la pointe des pieds. Denis abandonne la fille au corset rouge pour assister à ce spectacle.
- Je vais t’attacher moi-même ton corset, annonce Maîtresse Emma.
- Pas trop serré, maîtresse.
Catherine reçoit aussitôt un cinglant coup de cravache sur les fesses pour avoir osé émettre une recommandation. Maîtresse Emma serre de plus belle. Chaque fois qu’elle tire sur les liens, Catherine se liquéfie. Sa respiration se fait haute tandis que son sexe s’ouvre. Denis a envie de l’empaler sur sa queue. Maîtresse Emma le retient.
- Elle n’est pas encore suffisamment soumise.
Elle resserre encore le corset.
- Voilà. Maintenant tu es une bonne élève.
Pendant ce temps, madame Smith s’occupe des deux autres jeunes femmes. Elle les a bâillonnées et attachées à leur pupitre. Denis a le droit de baiser Catherine qui s’offre à lui comme jamais. Il lui semble que son plaisir n’a plus de bornes ; enfin son fantasme se réalise. Pour Catherine et Denis, la séance se termine.
- Veux - tu garder ton corset ? Je te le prête jusqu’à ce que tu reviennes, suggère maîtresse Emma.
- Non, maîtresse, je le remettrai en votre présence.
- Comme tu voudras.
Peu de temps avant son départ de Londres, Catherine revoit maîtresse Emma. De nouveau elle porte le vieux corset victorien qui lui a donné tant de plaisir. Ainsi vêtue, il lui semble qu’elle pourrait accepter n’importe quoi. Elle découvre de nouveaux plaisirs, de nouvelles tortures plus voluptueuses les unes que les autres. Maîtresse Emma lui pose des pinces sur les seins et les lèvres du sexe. Elle tire doucement dessus tandis que Madame Smith et Denis les regardent. Le corset l’enserre, la contraint comme une main miraculeuse fermée autour de sa taille.
- Cette fois, veux-tu garder ton corset ?, je te le prête jusqu’à la prochaine fois si tu le désires.
- C’est que je ne reviens pas à Londres avant un mois ...
- Qu’à cela ne tienne.
- Alors d’accord.
Catherine quitte maîtresse Emma en gardant le corset sur elle. Arrivée à son hôtel, elle s’apprête à l’ôter lorsqu’elle se rend compte que cela lui est impossible ; le corset lui colle à la peau. Affolée, elle appelle maîtresse Emma.
- Il y a une chose que je ne t’ai pas dite. Ce corset possède un mystérieux pouvoir ; il ne peut être ôté que par mes soins. Si tu veux, je peux encore te le retirer avant ton départ, à moins que tu ne joues le jeu...
Catherine hésite un instant :
- D’accord, maîtresse, je le garde.
Catherine s’apprête à monter dans le train qui la ramènera à Paris. Elle peut encore changer d’avis et retourner chez maîtresse Emma pour qu’elle lui enlève le corset. Le départ est annoncé.
- Alors, que décides - tu ?, lui demande Denis.
- Choisis pour moi.
- Tu le gardes.
Catherine sentit aussitôt un frisson lui parcourir les reins ; ce corset était décidément magique.

Extrait du roman " Le cabinet des fantasmes ", par Hélène Girard, à paraître aux éditions Blanche.


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