"Transforme-toi en huile de crapaud"

MATHIEU GRENOUILLEAU

Par Thierry Zalic*

Mathieu Grenouilleau pénètre les femmes comme l'huile de crapaud pénètre la pierre, symbole de la connaissance chez les Peuls.
Le Maître répond au disciple qui lui demande comment passer de l'ignorance au savoir: "transforme-toi en huile de crapaud."
L'huile de notre Maître "Grenouille" n'est pas déposée mais crachée, la grenouille se transforme en lama agacé (sexuellement?) et projette sur des corps nus de femmes, ou leur visage, ce qui lui tombe sous la diapositive, métaséquoias, flageolets, tables de la Loi, peaux de lézards, encres galactiques…
Le cul blanc est soudain habité, il n'est pas écran vierge mais garde-manger et le fixateur du dernier bain de développement empêche les souris d'entrer.
Mathieu ne jouit pas dans la femme mais sur la femme, non pas qu'il éjacule précocement mais le destin de son art est autre. Il utilise le corps féminin en glaise qu'il façonne, il est le potier céleste. Il recherche celle qui jouirait comme la belle Nagiko du journal intime de Sei Shônagon, perçant la nuit de cris quand ses amants calligraphient sur son corps.
L'art de Mathieu nous fait (faussement) croire que sans lui la femme serait un écrin vide. Son art est le diamant, et les dents des victimes (consentantes) se referment en petits plots qui enserrent sa pierre. Alors tout rayonne, le feu jaillit des fesses, le mercure du sang. Le corps nu flambe ou est grillagé, on a envie de le manger, d'être son ogre, de le lacérer, mais il est intouchable.
Ce que craint plus que tout Maître Grenouilleau, c'est que des doigts laissent des traces sur la photographie. Défense de toucher! Que faire alors de notre excitation? Acheter la photographie peut-être? SALAUD! TU NOUS EXCITES POUR QU'ON PAYE!
-Mais mes modèles, il faut bien que je les nourrisse!
Ne pas le vexer, ne pas dire qu'elles sont assez grosses comme ça, sortir royalement deux ou trois grosses coupures de son portefeuille, emporter la photo comme un voleur et chez soi se permettre de poser sur elle toutes les traces de doigt que l'on veut.
-AH LA BELLE DÉCORÉE, TU ME NARGUAIS? ET BIEN, TU L'AS MAINTENANT MON EMPREINTE DIGITALE!


* Auteur de SLIP, édition TZP